Note : 6,5/10 Breathe In : la crise C’est bien connu. Passé la quarantaine, le bon père de famille a des envies d’évasion. Parfois il se remet à écouter ses vieux vinyles, bricole son Amstrad de 1982 et cela lui suffit amplement. Parfois les envies d’ailleurs sont plus tenaces et se focalisent sur une femme, souvent plus jeune, pour assouvir la frustration désormais bien installée. C’est le thème de ce Breathe in, petit film indépendant sans prétention, si ce n’est celle de dérouler l’idylle interdite dans une sphère musicale plutôt gracieuse. Les amours interditessont les figures éternelles du cinéma. De Lolita à Just a kiss, Roméo et Juliette ou encore Match Point, nombre de cinéastes sont allés puisés dans ce matériau dangereux, source de clichés lorsqu’il est mal exploité à l’écran. La première partie de Breathe in est à ce titre une vraie réussite, puisque les stéréotypes nous sont épargnés au profit d’une réelle intensité autour de la naissance du sentiment. L’arrivée de l’élément perturbateur dans un cadre parfaitement équilibré rappelle La Servante de Kim Ki Young, pierre angulaire du cinéma coréen. A partir du moment où le grain de sable enraye la mécanique, tout implose. La beauté de Breathe in est de diluer cette mécanique dans une profusion de gestes imperceptibles. Bien que le canevas semble assez limpide dès l’entrée en matière, la puissance quasi magnétique de Breathe in s’opère par étape. Non seulement le père, impeccable Guy Pearce, rêve de retourner vivre à New York, mais il rêve aussi de vivre de sa musique, de son Art. Une idée de vie, autre, qui va bientôt l’obséder grâce au révélateur et amplificateur du processus : la jeune anglaise en voyage à la maison. Le charme transperçant de Felicity Jones va alors fonctionner crescendo. La véritable bonne idée de mise en scène de Drake Dosmerus est d’associer la musique à la lente séduction. Les morceaux musicaux, comme dans le beau Once, prennent tout leur temps dans le récit. On laisse les notes s’exprimer et enivrer les deux âmes jusqu’au point de rupture. Cette belle rencontre musicale reste cantonnée au non-dit, aux regards troublés et, fatalement, troublants. Mais lorsque le sous-jacent deviendra enfin perceptible, le film perdra quelque peu sa magie. Le lyrisme du trouble enfoui sera vaincu par une volonté de recoller au pragmatisme d’un scénario plus convenu. Sans fard, sans trahison non plus par rapport à l’ambition modeste, Breathe in retrouve une trajectoire plus anecdotique. Dommage que l’indépendance du cinéma américain salué à Deauville s’arrête frileusement, parfois, devant la pure évasion cinématographique. Rentré dans le rang, Breathe in n’oubliera pas néamoins de glisser un ultime sentiment de malaise. Les lignes brisées des personnages donneront au premier et dernier plan du film, identiques, une saveur bien amère. Romain Dubois
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